Jusqu’à 11h ce lundi 9 septembre 2002, la pluie tombe sur le Grand Alès. Après une nuit orageuse tonitruante, les cours d’eau en amont du territoire sont bien trop gonflés. L’orage stationnaire au-dessus du bassin Alésien a quant à lui déversé quelque 600 millimètres d’eau en à peine 15 heures… Les quartiers du Moulinet, des Prés-Saint-Jean et des Cévennes sont noyés à Alès ; 15 habitants du Moulinet sont hélitreuillés ; le Gardon passe au-dessus du pont Neuf et manque d’un rien d’envahir le centre-ville…
Une catastrophe qui coupe littéralement Alès du monde pendant 24 heures : les réseaux téléphoniques ne fonctionnent plus, la RN106 vers Nîmes est impraticable, de même que la voie ferrée (le pont de Ners n’a pas résisté) et 6 000 foyers sont privés d’électricité.
Lorsque la pluie cesse, les dégâts sont colossaux. À Alès, 756 villas et appartements sont inondés ; 125 familles ont tout perdu et devront être relogées. Sur tout le Grand Alès, la voirie et les réseaux d’eau et d’électricité sont très endommagés : la vieille route d’Anduze est coupée à Saint-Christol au niveau du pont d’Arène, à Saint-Jean-du-Pin la route départementale est emportée sur 1 km, …
Heureusement, une solidarité exceptionnelle se met en place, pilotée par les services de la Ville d’Alès et du Grand Alès avec l’aide d’Emmaüs. Dans les halles de Bruèges s’organise la distribution de secours alimentaire, des bouteilles d’eau, de vaisselle, de vêtements, de literie, de mobilier ou d’électroménager à destination de quelque 350 familles sinistrées.
Le 19 septembre, Alès et les 15 autres communes du Grand Alès sont toutes déclarées en état de catastrophe naturelle.
En chiffres
- 6 morts dans les communes périphériques d’Alès.
- 300 réfugiés accueillis à la halle des sports de Clavières.
- 6 000 foyers privés d’électricité.
- 1 000 voitures emportées par les eaux.
- 870 entreprises sinistrées.
- 756 logements inondés à Alès.
- 15 000 m3 de débris dégagés des rues d’Alès.
Max Roustan, maire d’Alès
« Depuis 1991, je demandais les autorisations pour engager des travaux »
Vingt ans après, quelle est la première image de cette catastrophe qui vous revient ?
Il n’y en a pas qu’une ! (il hésite) Je crois que, plus que des images, c’est un sentiment qui me reste aujourd’hui encore : le désespoir des gens que j’ai vu tout perdre en quelques heures. Les voitures, les réfrigérateurs, la vaisselle, c’est une chose, mais tous les souvenirs qui s’en vont dans les flots, c’est très dur. Ce sont des familles qui ont été marquées à jamais…
À quel moment la situation a-t-elle basculé ?
Le boucan de l’orage durant la nuit du dimanche 8 septembre et les lames d’eau diluvienne qui s’abattaient ne présageaient rien de bon. Dans la matinée du lundi 9 septembre, j’étais avec Christophe (Rivenq, NDLR) sur le pont Neuf et l’eau nous arrivait sous les pieds ! On voyait des voitures, des morceaux de caravanes et des citernes de gaz arriver… À ce moment-là on a compris que c’était la catastrophe.
Et là, la mobilisation, la solidarité…
Oui, c’est aussi ce que j’ai envie de retenir de ces évènements : un formidable élan de générosité et de solidarité. J’ai immédiatement mobilisé pratiquement tout personnel municipal et je vous assure que personne n’a rechigné. Nous avons rapidement ouvert au boulodrome de Bruèges le “supermarché-mairie” où les sinistrés pouvaient se servir en denrées alimentaires, en meubles, en linge, en électroménager, … Bref, tout ce qu’il fallait pour repartir ! Avec les services de l’État, nous avons aussi poussé les entreprises à accélérer les interventions pour remettre le gaz, l’eau et électricité.
Passé le choc, intervenir dans le Gardon est devenu votre priorité pendant des années. Comment expliquez-vous cette obstination ?
Je crois que, si sur les évènements météorologiques nous n’avons pas d’emprise, nous avons en revanche la possibilité de prévenir ou d’amoindrir leurs impacts. Depuis 1991, je demandais aux services de l’État les autorisations pour engager des travaux de sécurisation du Gardon d’Alès… Alors après ce qui est arrivé à l’automne 2002, j’aime autant vous dire que je n’ai plus demandé l’autorisation à personne pour faire descendre les engins dans la rivière ! Quelques mois plus tard, on nettoyait, on enlevait les embâcles, on construisait des seuils, on enrochait, on créait des berges pour sécuriser les digues, … C’était une réaction forte, mais à la hauteur du drame vécu et je crois que les Alésiennes et les Alésiens m’ont compris.
Vous évoquez souvent “le bon sens paysan”. C’est ce qui a guidé votre action tout au long de ces années de travaux ?
Complètement ! Nos “vieux”, qui n’étaient pas plus bêtes que nous, même s’ils n’avaient pas d’ordinateur, avaient le nez et savaient la quantité d’eau qui pouvait arriver. Parce que les inondations ça n’est pas d’aujourd’hui, il y en a eu en 1918, 1958, … Le Gardon, c’est un tuyau ouvert ; si vous le bouchez avec du sable, l’eau passe sur le côté. On a sorti 200 000 m³ de gravier pour abaisser la hauteur d’eau d’environ 1,20 mètre dans la traversée d’Alès en cas de pareille crue. Les épisodes cévenols de 2008, 2014 et 2015 ont démontré l’efficacité de nos travaux. Cela dit, le “bon sens paysan” commande aussi à rester vigilants et à entretenir notre “culture du risque”.
Si vous aviez un seul message à délivrer aux habitants d’Alès Agglomération en ce début d’année 2022, quel serait-il ?
Il faut croire en nos atouts ! Si l’avenir d’un territoire se mesure à sa capacité à rebondir, alors, croyez-moi, nous n’avons rien à envier à personne et nous sommes plutôt en tête de file. Je suis sûr que cette belle dynamique va continuer et qu’Alès Agglomération va devenir un pôle d’attraction régional.
Max Roustan, auprès des sinistrés.
Temoignages
Travaux hydrauliques :
un traitement de choc pour le Gardon d’Alès
De 2003 à 2009, Max Roustan a totalement modifié l’aspect du Gardon dans sa traversée alésienne. Il en allait de la sécurité des habitants.
Dès janvier 2003, sans attendre les autorisations de l’État, le maire d’Alès Max Roustan lance des travaux d’urgence dans le Gardon afin de protéger les Alésiens de nouvelles inondations à l’automne. Ces travaux élémentaires de mise en sécurité ne seront validés a posteriori par l’État qu’en septembre 2003.
Par la suite, le chantier de sécurisation du Gardon d’Alès a lieu en deux tranches, en 2004/2005 puis en 2009. Le lit du Gardon est re-profilé et cinq seuils sont créés pour faciliter l’écoulement des eaux. Les digues sont protégées par de larges berges et stabilisées par des enrochements. Les piles de tous les ponts sont renforcées.
D’un coût de 10 M€, ces travaux menés sur 4 km ont permis d’augmenter la capacité de passage des eaux de 30 %. Une étude d’impact a montré que le niveau de l’eau serait abaissé de 1,20 mètre en cas de crue équivalente à celle du 9 septembre 2002. Preuve en a été donnée lors des pluies diluviennes de 2008, 2014 et 2015 : le passage des eaux déchaînées du Gardon n’a généré aucun dommage.
LORS DES TRAVAUX D’URGENCE EN 2003, LES ARBRES MORTS, LE GRAVIER ET LES EMBÂCLES SONT ENLEVÉS, LE LIT DE LA RIVIÈRE EST RE-PROFILÉ
Max Roustan a pris ses responsabilités en lançant des travaux non autorisés dans le lit du Gardon. Compte tenu de leur nécessité, ces travaux ont été validés six mois plus tard par le préfet.
LE CHANTIER CONSISTAIT À SÉCURISER LES DIGUES PAR DE LARGES BERGES, STABILISÉES PAR QUELQUE 80 000 TONNES D’ENROCHEMENT.
LE LIT DU GARDON A ÉTÉ RE-PROFILÉ DANS TOUTE SA TRAVERSÉE ALÉSIENNE, DE LA ROYALE AU NORD JUSQU’AU PONT DE LA ROCADE AU SUD.
EN 2009, LE GRABIEUX A ÉTÉ ÉLARGI DE 8 MÈTRES, DU MOULINET JUSQU’À LA CONFLUENCE AVEC LE GARDON.
De 2003 à 2009, le Grand Alès nettoie et restaure ses rivières
Les premiers travaux autorisés ont lieu à l’été 2003. Sur tous les cours d’eau du Grand Alès, et notamment l’Alzon, le Gardon d’Anduze et l’Avène, le Grand Alès procède à l’enlèvement de la végétation et des embâcles, à la reprise des berges et des ouvrages abîmés, à la mise en place d’enrochement et au recalibrage des lits.
Par la suite, en suivant le schéma d’aménagement hydraulique mis en place en 2004, le service Hydraulique du Grand Alès détermine les travaux à réaliser en priorité. Quand ces travaux sont autorisés, on procède ainsi à l’aménagement de bassins écrêteurs de crue et à l’élargissement de certains ruisseaux.
En complément, l’Agglo procède chaque année à l’entretien des cours d’eau. En 2018, la compétence prévention des inondations passe à Alès Agglomération, qui délègue à l’EPTB des Gardons le nettoyage des cours d’eau et les travaux anti-crues.
À Saint-Martin-de-Valgalgues, le pont de Camont, très endommagé, a été démoli à l’été 2003.
Sur l’Alzon (ici à Saint-Jean-du-Pin), les berges ont été reprises et le lit du ruisseau a été re-profilé.
À Saint-Hilaire-de-Brethmas, l’Avène a été traitée de la Jasse-de-Bernard jusqu’au confluent avec le Gardon. Une zone d’expansion de crue y a été restaurée.
Le bassin écrêteur de crues de Saint-Martin-de-Valgalgues a été aménagé en 2006. Avec une capacité de 10 500 m³, il protège les lotissements alentour.
À Soustelle, deux seuils ont été renforcés pour freiner l’érosion du cours d’eau en période de crue.
Prévention du risque : 20 ans d’actions
Depuis les inondations de 2002, la Ville d’Alès et le Grand Alès (puis Alès Agglomération) ont tout mis en œuvre pour assurer la sécurité des personnes et des biens face au risque inondation.
2003
Création de la téléalerte
Sur une idée de Max Roustan, la Ville d’Alès déploie un automate d’appel pour prévenir la population. Depuis, la téléalerte a été étendue à toutes les communes de France. Elle permet aujourd’hui d’effectuer jusqu’à 450 000 appels et 300 000 SMS par heure.
2008
Un Service de Prévention des Risques
La Ville d’Alès et le Grand Alès créent un service mutualisé “Prévention des Risques Majeurs” qui lance immédiatement les travaux d’élaboration du Plan Communal de Sauvegarde multirisques. Ce service compte aujourd’hui 7 agents.
2010
PPRI du Gardon d’Alès
Le Plan de Prévention du Risque Inondation établi pour les 20 communes du bassin du Gardon d’Alès est imposé par le préfet du Gard le 9 novembre 2010. Annexé au Plan Local d’Urbanisme, il est consultable sur ales.fr.
2010
Abonnement à un service météo spécialisé
La Ville d’Alès s’abonne à un service météo qui, lors de fortes pluies, permet d’avoir des infos très précises sur les risques, avec des données fiables en temps réel. Depuis 2013, toutes les communes d’Alès Agglomération bénéficient de ce service.
2013
Plan Communal de Sauvegarde
La Ville d’Alès adopte son Plan Communal de Sauvegarde multirisques, un document ultra-détaillé qui vise à protéger au mieux les habitants et leurs biens en cas de risques majeurs. Ce plan a été mis à jour en 2019.
2014
Opération ALABRI
Alès Agglomération vient en aide aux particuliers qui sont contraints par la loi de réaliser un diagnostic et de mener des travaux pour prévenir le risque inondation. Depuis 2014, 435 diagnostics ont été effectués et 69 dossiers de demandes de financement ont été transmis à l’État.
2022
Création de la Réserve Communale de Sécurité Civile
Composé de citoyens bénévoles, ce dispositif vient en appui des services d’urgence et de secours afin de sauvegarder les populations lors d’évènements de crise. Les 15 premiers candidats retenus pour la Réserve d’Alès ont signé leur engagement le 9 septembre 2022.